Carte de séjour est né en 1980 à Rilleux-la-Pape. Le groupe s'installe sur les pentes de la Croix Rousse à Lyon pour répéter et travailler. Très vite, le succès est au rendez-vous. Devenu symbole de la lutte contre les discriminations, le groupe avait contribué au succès de "la marche des beurs" en 1983. 40 ans plus tard, la ville de Lyon lui rend hommage.
On passe devant, sans le savoir. On passe devant sans même lever les yeux. Désormais, une plaque rappellera aux passants qu'ici est né Carte de séjour. Nous sommes au 32 de la rue des Tables Claudiennes à la Croix Rousse. "Un quartier de métissage, un quartier de mobilisations, un quartier de revendications" selon la maire de l'arrondissement.
Dans les années 1980, une bande de jeunes issus de la banlieue lyonnaise va s'installer ici pour répéter, travailler et créer ce qui deviendra ce groupe "underground". Mêlant rock, punk et musique orientale, Carte de séjour va très vite devenir le porte-parole de toute une génération.
Contre le racisme
Après avoir installé ses locaux de répétition dans les pentes de la Croix Rousse, Carte de séjour connaît un succès national et européen. Le groupe va devenir le symbole d’une jeunesse qui se mobilise alors contre les crimes racistes et les violences policières. Il se bat pour la reconnaissance des droits et la dignité de celles et ceux que l’on désigne comme "jeunes Arabes", "beurs" ou "franco-maghrébins", et pour leur accès à la citoyenneté.
Pour la maire de l'arrondissement, cette plaque hommage était une évidence. Cette voix n'était pas entendue à l'époque. "Cela a permis de porter la voix d'une génération et de lui donner accès à la scène politique". À l'occasion des 40 ans de la marche des beurs, à laquelle le groupe a largement contribué (en 1983), l'idée de cet hommage s'est imposé en toute logique.
On voulait trouver une manière festive pour célébrer l'identité métissée des pentes, la mobilisation, les combats qui ont fait l'histoire du quartier. Le groupe Carte de séjour était la bonne entrée pour représenter tout cela.
Yasmine Bouagga, maire (EELV) du 1er arrondissement de Lyon
"On ne fait jamais les choses tout seul"
Ce matin du 16 mai 2023, une équipe de journalistes de France 3 Rhône-Alpes, avait rendez-vous avec deux musiciens du groupe. Jérôme et Mokhtar (guitariste et bassiste) se sont rendus sur place, quelques heures avant l'inauguration. Le local est désormais fermé. Ils partagent volontiers leurs souvenirs. Entre nostalgie et fierté. La plaque commémorative est apposée sur la façade du bâtiment, ils la regardent. Humblement.
Il s'est passé beaucoup de choses ici. Si les murs pouvaient parler, ils diraient qu'il y a eu beaucoup de larmes de joie, des larmes de tristesse aussi.
Mokhtar Amini,bassiste du groupe Carte de séjour
Jérôme, le guitariste du groupe, trouve l'idée "sympa". Il se dit "touché" par cette attention. Il explique que trop souvent "on prend une tête qui dépasse, alors que là, sur cette plaque, c'est un groupe. Il y a tous les noms". Pour lui, c'est un bel exemple : "on a toujours besoin des autres".
Le chanteur absent
Rachid Taha était le charismatique leader du groupe. Alliant sa culture algérienne au rock anglo-saxon, il a impulsé, avec le groupe Carte de séjour, une énergie folle. Né en Algérie et arrivé en France à 10 ans, il se fit le porte-drapeau de la communauté française d'origine maghrébine de seconde génération. La reprise de la chanson de Charles Trenet, "Douce France", aux accents orientaux, va propulser le groupe sur la scène internationale.
Dans un reportage diffusé en juillet 1982 au journal régional de France 3, le groupe, par la voix de Rachid Taha, confiait déjà ses intentions et portait son message : "si j'étais maçon ou soudeur, vous ne seriez peut-être pas là aujourd'hui".
Après une dizaine d'années passées ensemble, les membres du groupe se séparent. Ils mèneront leur vie. Rachid Taha décèdera en septembre 2018 suite à une crise cardiaque.
Du local de leur jeunesse de 200m² ne reste aujourd'hui qu'une façade. Une façade et une plaque. En souvenir et hommage.